J’évoquais dans cet article mon envie de découvrir On est tous faits de molécules, roman de Susin Nielsen paru en 2015 en France, chez Hélium. C’est désormais chose faite, et si je devais résumer en quelques mots ce que j’en ai pensé : franchement pas mal. Mais comme une chronique, ça ne tient pas en trois mots, c’est le moment de vous en dire un peu plus !
Le résumé
Stewart, 13 ans, a perdu sa mère. C’était il y a deux ans et depuis, son père a rencontré une autre femme. Ils s’apprêtent d’ailleurs à emménager dans la maison où elle vit avec sa fille, Ashley. Si cette nouvelle vie promet de chambouler les repères de ce jeune garçon HQI aussi sensible que maladroit, il est cependant prêt à faire bonne figure… Mais ce n’est pas le cas d’Ashley, qui n’a pas DU TOUT l’intention d’accueillir ces deux inconnus à bras ouverts. Alors qu’elle se trouve au sommet de ce qu’elle nomme l’Échelle sociale, les bouleversements qui secouent sa vie de famille – comme un père tout juste sorti du placard, par exemple – pourraient bien lui en faire dégringoler les barreaux…
Mon avis
On est tous faits de molécules est un roman à deux voix : nous découvrons ainsi par alternance les points de vue de Stewart et Ashley. Les chapitres sont courts (ils font presque toujours entre 3 et 6 pages), ce qui dynamise vraiment cette polyphonie… et surtout, lui permet de mettre en évidence l’antagonisme situé au cœur de cette histoire. Nos deux personnages incarnent des forces contraires qui ne cessent de buter l’une sur l’autre. Entre maladresses, malentendus, mauvais coups et mauvaise foi, les aléas de leur relation sont à la fois savoureuses et émouvantes. Difficile de ne pas s’attacher au pauvre Stewart, tentant vaille que vaille de prendre ses marques dans son nouvel environnement !
Mais en fin de compte, c’est Ashley que j’ai trouvée la plus intéressante. Dépeinte comme superficielle et soucieuse à l’extrême du regard d’autrui, elle envisage la course à la popularité avec la précision d’une partie d’échecs. Rien, chez elle, ne laisse de place au hasard ; tout, de son attitude à son apparence, est calculé avec minutie. Ses efforts portent leurs fruits, mais à quel prix ? Bien qu’atypique, la spontanéité de Stewart lui permet de tisser des liens bien plus sincères avec les personnes qui l’entourent. Au fil des pages, Ashley s’avère plus complexe que le début ne le laissait présager. J’ai apprécié qu’elle s’enrichisse doucement de multiples nuances qui, si elles n’excusent pas sa méchanceté, permettent au moins de comprendre quel a été son cheminement… et nous offrent, au passage, une réflexion sur ce que c’est que d’être une adolescente surveillée, observée, pesée, mesurée, scrutée sous tous les angles.
Et puis, au cours de l’été qui a précédé la rentrée en cinquième, tout a changé pour moi. J’ai eu mes règles, et de gamine de douze ans godiche et plate comme une limande je suis devenue une jeune fille de douze ans avec un corps de femme. J’ai détesté. Quand je marchais dans la rue, les mecs me fixaient, et pas seulement les garçons de mon âge, mais des types qui avaient l’âge de mon père. C’était carrément malsain, et je n’avais qu’une envie : redevenir la petite fille plate comme une limande.
Mais une fois l’année scolaire commencée, j’ai rapidement découvert que mon nouveau physique me conférait un pouvoir étrange. On aurait dit que tous, garçons et filles, vénéraient un peu la nouvelle moi. Donc, au bout d’un moment, j’ai fait ce qu’aurait fait n’importe qui : j’ai tourné ce pouvoir à mon avantage.
La relation entre les deux personnages évolue quant à elle de façon réaliste. Le ton, globalement, est crédible, les mots sonnent justes, teintés d’humour, de tendresse ou de tristesse, parfois. Car les thématiques abordées ne sont pas toutes roses : deuil, harcèlement scolaire, homophobie, agression sexuelle… La vraie vie, quoi.
Pour ma part, c’était en partie la présence d’un personnage gay – le père d’Ashley, donc – qui avait motivé ma lecture. Cet aspect-là de l’intrigue est à mon sens bien mené. Stewart pose un regard tout à fait naïf et bienveillant sur la question, tandis qu’Ashley en vient à questionner, lentement mais sûrement, sa propre homophobie. Encore une fois, c’est le regard des autres qui l’effraie : que vont penser ses amies, si elles découvrent l’homosexualité de son père ? Une crainte qui menace de l’éloigner de ce dernier, mais bonne nouvelle : il est toujours possible d’apprendre de ses erreurs…
En bref
On est tous fait de molécules est un roman divertissant et plein de fraîcheur, abordant avec finesse des questions d’actualité sous une apparente légèreté. Ses personnages, s’ils semblent au départ dignes des clichés des teen movies, détournent finalement l’air de rien les stéréotypes. Ils n’en sont pas moins originaux et attachants, et donnent à ce chouette livre toute sa saveur.
On est tous faits de molécules
De Susin Nielsen, chez Hélium
Parution le 15 avril 2015
248 pages - 14,90 €
EAN : 9782330039332
à partir de 11 ans
Je l’ai piqué à la médiathèque pour pouvoir le lire. Mais pas tout de suite, j’ai « Fans de la vie impossible » qui m’attends 😉
J'aimeAimé par 1 personne
Héhé 😀 J’ai hâte de voir ce que tu vas en penser (pour les deux livres) !
J'aimeJ'aime
Adoré ici aussi 🙂 Et donc tu vas continuer sur ta lancée avec Susin Nielsen ? Son petit dernier « Les optimistes meurent en premier » m’a énormément plu !
J'aimeAimé par 1 personne
J’aimerais bien, oui ! Les optimistes meurent en premier me fait justement de l’œil 🙂
J'aimeAimé par 1 personne